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De la possibilité de céder sa dette...


Article publié à la Gazette du Midi du 14 au 20 juin 2018

Article Paru à la Gazette du Midi du 14 au 20 mai 2018

Le mécanisme de cession de créance est assez connu : un créancier A, est titulaire d’une créance sur un débiteur B ; A cède cette créance à C, qui devient donc à son tour créancier de B pour cette même sommes ; dès lors, B n’aura plus à acquitter la somme entre les mains de A mais bien entre celle de C.

Moins appréhendé est le mécanisme de la cession de dette. Partant d’une véritable convention, ce n’est plus la créance qui est cédée mais bien à l’inverse la dette : une tierce personne va se substituer et prendre ainsi la place du débiteur originel : B, qui était le débiteur de A, cède ainsi sa dette à D, qui va s’engager à payer A aux lieu et place, ou aux côtés de B.

Se fondant sur l’article 1165 ancien du Code civil, selon lequel les conventions ne peuvent avoir d’effet qu’entre les parties contractantes et ne peuvent pas nuire au tiers, la jurisprudence est ainsi venue préciser qu’une telle opération de cession entre B et D n’était possible que pour autant que le créancier, A, y ait consenti (Cass, Civ 1, 30 avril 2009, n° 08-11.093). Cette solution est parfaitement logique et on aura bien vite compris qu’elle pourrait être l’inquiétude de A si B était, par le simple jeu de la cession, dégagé de toute obligation à son égard, alors même que A n’aurait aucune connaissance, à fortiori garantie, de la solvabilité réelle de D.

Dans l’affaire en cause, une personne avait confié la construction de sa maison à un entrepreneur et lui demandait en suivant réparation pour les malfaçons affectant l’ouvrage. L’entrepreneur avait alors imaginé pouvoir céder son fonds de commerce « moyennant le prix symbolique de "un euro" », une clause prévoyant par ailleurs « que les créances et la totalité des dettes générées par l'activité du cédant sont transmises à l'acquéreur » ; l’entrepreneur espérait ainsi échapper à tout paiement.

L’on connait déjà la solution de la Cour de cassation qui refuse de valider cette cession de dette à laquelle le créancier n’a pas participé pour l’agréer. Cette solution explique au demeurant à contrario pourquoi, en pratique, les créanciers du fonds de commerce ont la possibilité de réclamer le paiement de leur créance sur le prix de vente, les dettes n’étant pas automatiquement transmises à l’acquéreur de ce dernier : les créanciers ne connaissent pas le repreneur et n’ont donc aucune vocation à se le voir imposer comme nouveau débiteur.

Mécanisme d’importance dans la vie des affaires, la réforme de 2016, initiée par voie d’ordonnance, a donc introduit ce dernier dans le Code civil, les articles 1327 et suivant réglant désormais cette question. Ainsi, « un débiteur peut, avec l'accord du créancier, céder sa dette » et « le créancier, s'il a par avance donné son accord à la cession ou n'y est pas intervenu, ne peut se la voir opposer ou s'en prévaloir que du jour où elle lui a été notifiée ou dès qu'il en a pris acte. ».

Précisons que sauf à ce qu’il soit expressément libéré par le créancier, le débiteur originaire restera solidairement tenu au paiement de la dette au côté du débiteur substitué. Rappelons que la solidarité implique que le créancier de poursuivre qui il souhaite en premier lieu, voire les deux débiteurs ensemble, pour tout ou partie de la créance (article 1313 nouveau du Code civil).

Réciproquement, le débiteur substitué pourra s’opposer au paiement dans les mêmes conditions que le débiteur originaire. Voici donc les grandes lignes du mécanisme tel que défini par le Code civil depuis le 1er octobre 2016, et qui pouvait sembler suffisamment détaillé et protecteur des droits de chacun.

L’Assemblée nationale n’est pas de cet avis, qui, par la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018, ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 susvisée, précise à l’article 1327 du Code civil que la cession de dette devra donc en outre être « constatée par écrit, à peine de nullité ».

La rigueur reste donc de mise, l’écrit incontournable à compter du 1er octobre prochain, et même si paradoxalement, la forme de la notification de la cession au créancier ou de son agrément restent soumise aux règles générales de la preuve, aucune formalité particulière n’étant prescrite.


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